Curator and Art Consultant
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Secret Garden
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There is a garden, tucked between the pages of a book, enclosed by walls, forgotten for years. You can only catch it through a sound, a breeze, the edge of a dream. Secret Garden may appear, at first glance, to be a simple tale of recovery; yet in truth, it is a ritual of reawakening of what was unseen, hidden, and closed in upon itself.
This exhibition does not attempt to represent Burnettâs garden literally; rather, it translates its vibrations into the materials, forms, and gestures of contemporary art. The garden is no longer a botanical field, but an âinterior spaceâ re-woven with line, texture, and surface. The exhibition space itself is both hidden and open, its door ajar, its threshold uncertain.
Esteban Fuentes de MarĂa approaches nature not as motif, but as rhythm. Canvas, space, installation, each becomes a reconstruction of the stage that nature composes for itself. In his works, the garden is not merely a site of healing, but also a place of mythic encounter. His paintings and installations carry both the silent stories of the past and the swift forgettings of the present.
Camille Bruat treats the line like a root. At times burrowing underground, at times breaking the surface, her lines recall the collision between vegetal growth and the fabric of the city. Her graphite surfaces resemble old maps fallen into the soil of the garden, guiding and disorienting at once. Her forms oscillating between volume and surface invite the viewer to question the boundaries of their own inner garden.
Francesco Poiana excavates the relationship between memory and light. He captures the garden not at noon, when the sun is most direct, but in the retreat of shadows. In his work, color and stain trace the path of recollection; the textures of his monotypes touch upon a memory that knows where childhood is concealed. In his hands, the garden becomes less a physical site than an illuminated corner of the mind.
These three voices grow side by side, never merging yet nourished by the same soil. For the viewer, the garden is never entirely revealed, nor entirely concealed. The door to Secret Garden here too stands half-open, stepping inside requires courage; remaining within makes one lose all sense of time.
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Commissaire indépendante
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Sois ce que tu voudras, Nuit noire, rouge aurore
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DĂšs ses Ă©tudes, Camille sâintĂ©resse Ă la mĂ©tallurgie, voyant dans ce matĂ©riau une extension du dessin.
Elle refuse de cloisonner les pratiques artistiques, rĂȘvant dâunir le dessin Ă dâautres disciplines. Plus quâun matĂ©riau brut, le mĂ©tal devient un outil de rĂ©flexion sur le volume et le mouvement. Ces recherches ancrĂ©es dans son parcours initial tĂ©moignent dâun intĂ©rĂȘt marquĂ© pour lâarchitecture et les formes Ă©purĂ©es.
Selon Camille Bruat, le dessin est une discipline mĂ©ditative, presque rituelle. Chaque face-Ă -face avec la feuille de papier devient un dialogue entre lâintĂ©rieur et lâextĂ©rieur, une tentative de transcender le support pour atteindre une forme dâessence. Ses Ćuvres sur papier, quâelle qualifie parfois de sculptures bidimensionnelles, traduisent cette quĂȘte de dĂ©pouillement et dâabsolu. Ses crĂ©ations, rĂ©alisĂ©es avec une minutie obsessionnelle, Ă©voquent une Ă©criture automatique. Les traits, prĂ©cis et rĂ©pĂ©tĂ©s, sâentrelacent dans un jeu de textures et de rythmes, construisant des espaces oĂč la lumiĂšre et lâombre dialoguent (notamment dans Le Buisson).
Elle dessine aussi bien sur du papier vĂ©lin dĂ©licat, suspendu et soumis aux alĂ©as du vent (polyptyque de 9 dessins Les flaches, avec aplats de matiĂšres), que sur du bois marouflĂ© ou encore sur du verre, quâelle grave finement (paravent en vitrail fruit dâun binĂŽme avec Rosalie Becher).
Ce travail introspectif, inspiré par ses nombreuses déambulations entre nature et paysages urbains, se nourrit de motifs végétaux. Mais ces éléments ne sont pas utilisés par Camille comme des symboles : ils servent de structures formelles, rappelant son désir de réinterpréter les codes classiques de la nature morte, tout en créant une esthétique personnelle.
Avec le temps, Camille Bruat parvient Ă unir ses deux pratiques, mĂ©tallurgie et dessin, dans une recherche profondĂ©ment syncrĂ©tique. Pour elle, le dessin nâest pas seulement une surface plane, mais un bas-relief qui surgit de la feuille, comme une sculpture intime et fragile. Cette vision hybride guide son travail rĂ©cent, oĂč elle mĂȘle traits graphiques et structures tridimensionnelles pour crĂ©er des Ćuvres Ă la fois Ă©nigmatiques et immersives.
Ses compositions Ă©voquent un dialogue entre lignes mĂ©talliques et traits de crayon, entre volume et surface. Ă travers ce langage visuel unique, Camille explore des thĂ©matiques universelles : la spiritualitĂ©, lâimaginaire et les liens entre lâhomme et son environnement. Tout comme JĂ©rĂŽme Bosch interrogeait les formes hybrides et les architectures oniriques, Camille convoque des motifs qui oscillent entre le rĂȘve et la rĂ©alitĂ©, repoussant sans cesse les limites des arts plastiques. En 2024, sa premiĂšre exposition rĂ©trospective monographique Ă Chartres illustre avec force son parcours et ses Ă©volutions, du dessin dĂ©licat au vitrail musculeux.Â
Camille joue sur la frontiĂšre entre lâarchitecture rigide et le monde flottant des rĂȘves, mĂ©langeant lignes gĂ©omĂ©triques et atmosphĂšres fantasmagoriques. Urbanisme, matiĂšres et spiritualitĂ© fusionnent, dessinant un univers oĂč les frontiĂšres infimes entre rĂȘve, espace et corps sâeffacent. Ses crĂ©ations semblent alors naviguer entre rĂ©alitĂ© urbaine et paysages intĂ©rieurs, oĂč la ville devient une mĂ©taphore du subconscient.
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Hugo Dusapin, 2024
Ecrivain et guide conférencier du Paris XIXÚme
Le Silence de la Foudre :Â Acte I, ScĂšne I
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Cette sculpture de 14 vitraux amovibles est lâĆuvre de deux artistes plasticiennes, Rosalie Becher et Camille Bruat. Elles fusionnent leurs techniques mĂȘlant lâart du vitrail Ă ceux de la ferronnerie, du dessin et de la gravure.
Les 14 panneaux évoquent le lieu à travers une interprétation laïc du vitrail et la gravure des feuilles de marronnier. Ainsi, elles invitent une réflexion autour de cet arbre frappé par la foudre et voué à disparaßtre.
Il sâagit dâune Ćuvre en interaction avec lâespace : mobile, se transformant dans le temps court dâune soirĂ©e, Ă©phĂ©mĂšre. Inscrite dans lâespace du cloĂźtre qui fut dâabord un charnier puis des habitations, elle pose la question de la fonction Ă travers le temps, Ă©volutive, elle rentre en rĂ©sonance avec lâusage du vitrail, liturgique puis artistique et surtout mĂ©moriel.
Le Silence de la foudre : Acte I annonce Ă la fois la piĂšce physique et la dimension intemporelle : la foudre, nous est toujours silencieuse, mais seulement pour un temps, ici trĂšs court. Le lieu, lui aussi est silencieux, mais pour lâĂ©ternitĂ©, ou presque.
Un dialogue sâopĂšre alors entre les Ă©lĂ©ments qui constituent le cloĂźtre, ceux, restĂ©s muets pendant des siĂšcles, et la foudre qui, contrairement, se tait seulement quelques instants aprĂšs avoir stigmatisĂ© ces jardins. Lâinstallation prĂ©sentĂ©e transcende ces « personnages », les vitraux comme Ă©lĂ©ment dâarchitecture, reprĂ©sentant ici des feuilles de marronniers. InstallĂ©s dans lâespace au mĂȘme titre que la statue de la Vierge Ă lâenfant.
ACTE I â ScĂšne I
Si un temps la partie est habitée par le tout, celui-ci a-t-il été habité par la partie ? Blague.
LES GARGOUILLES â Va ! Marronnier, chante et siffle ! Sâil est certain que les crĂ©atures monstrueuses et prodigieuses procĂšdent du jugement de Dieu, et que nous sommes impies, nous te survivrons, car tu es marquĂ© par la foudre.
LES MARRONNIERS se questionnant lâun lâautre â Il est difficile dâaimer ceux que nous nâestimons point, mais il ne lâest pas moins dâestimer ceux que nous aimons plus que tout. Nâavez-vous rien dâautre Ă me dire, chimĂšres ? Savez-vous aimer, dragons de pierre ?
LA STATUE, toujours dĂ©magogique â laisse- les et soit en paix, on parle peu quand la vanitĂ© ne fait pas parler, ta contemplation est mĂšre dâimmortalitĂ©, si calme que tu apaises mes songes les plus obscurs.
ĂffarĂ©es et mouvantes, se sentant injuriĂ©es par tant de comptines :
LES GARGOUILLES cyniques â Câest peut-ĂȘtre par Ă©lĂ©vation quâun philosophe se tait, essaie pour voir. Accepte ton martyr, il est indigne des grands cĆur de rĂ©pandre la tragĂ©die quâils ressentent. Le destin qui est le tien est sans intrigue, mortel comme les autres, fade et pĂ©rissable.
ACTE I â ScĂšne II
Lâorage gronde, le tonnerre sâabat.
LES VITRAUX, avec certitude â Si la rĂ©conciliation doit ĂȘtre un vĆu commun, alors il est vain. Je propose un recueillement.
LES MARRONNIERS plus fort que tous
les autres, ils crient â Dâautres dĂ©tĂ©riorations, dâautres exubĂ©rances se sont succĂ©dĂ© Ă la foudre. Les populations et les mĆurs ont changĂ© plusieurs fois ; reste le nom, lâemplacement, et les objets les plus difficiles Ă casser.
LA STATUE, sereine â Jâai tant redoutĂ© et tant craint, mais je mâamĂ©liore et mâĂ©lĂšve, car comme dit le proverbe, autant il tonne, autant il pleut.
LES GARGOUILLES â Lâabsence diminuera vos mĂ©diocres passions, et augmentera les grandes ; le vent Ă©teindra vos bougies et nourrira mon feu.
Les vitraux sâexclament (il suffit dâabattre une branche)
LES VITRAUX â Quand je vois feuille, fleur et fruit sur les arbres et les rameaux, quand jâentends les rires des passants et des oiseaux, amour me rend feuilles et fleurs, si doux que dans la nuit je me rĂ©veille quand la plupart dorment et se reposent.
LES GARGOUILLES, impassibles â Nous verrons bien le sort que le temps te rĂ©serve, marronnier foudroyĂ©, en attendant, reste silencieux, nous devons nous recueillir.
Les marronniers nous laissent des marrons Ă profusion, aprĂšs les rĂ©coltes, comme un Ă©cho de celles-ci, un symbole dâespoir et de patience. Dans la tradition populaire, il est un arbre protecteur et bienfaisant, plein dâespĂ©rance.
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Historien de l'art. Inspecteur conseiller de la création, conseiller pour les arts visuels à la DRAC Grand Est à Strasbourg
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Le Buisson
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« Chaque descente du regard en soi-mĂȘme est en mĂȘme temps une ascension, une assomption, un regard vers lâextĂ©rieur vĂ©ritable. »
Aujourdâhui ce Fragment de Novalis, jeune poĂšte, philosophe et mystique de la fin du 18e siĂšcle, peut paraĂźtre un peu abstrait. A lâissue du confinement total du printemps 2020 pourtant, la « descente du regard en soi-mĂȘme » et « lâextĂ©rieur vĂ©ritable » sont des mots qui rĂ©sonnent dâun Ă©cho nouveau.
Camille Bruat est une jeune artiste. Elle a grandi avec deux phĂ©nomĂšnes contemporains de sa gĂ©nĂ©ration : le dĂ©veloppement du cyberespace, abolissant les distances et les durĂ©es en termes de communication, verbale et iconographique, et les transports aĂ©riens low cost, qui ont rendu fluides les grands dĂ©placements massifs dans lâespace rĂ©el.
Or, contre toute attente, ces derniers ont brutalement disparu dans le monde entier, en quelques jours,
au dĂ©but de lâannĂ©e 2020.
Low cost et numérisation présentent deux points communs : la valeur « vitesse » considérée comme supérieure à toutes les autres et son corollaire, la relégation du réel, de la nature, du corps, au second plan.
LâarrĂȘt soudain des dĂ©placements faciles et des milliers de norias aĂ©riennes autour de la planĂšte, on le sait, a offert Ă la terre une respiration inĂ©dite.
Câest le moment quâa choisi Camille Bruat pour commencer une longue mĂ©ditation graphique.
Lâartiste aurait pu faire dâautres choix, utiliser les outils numĂ©riques et dĂ©velopper une recherche dans ce domaine, privilĂ©giĂ© par nous tous Ă tous les niveaux en 2020 ; elle aurait pu aussi revenir sur ses travaux prĂ©cĂ©dents et favoriser des problĂ©matiques spatiales en ces jours de confinement frustrant, crĂ©ant des espaces imaginaires, des itinĂ©raires ; Ă ce sujet, les sculptures rĂ©alisĂ©es par lâartiste jusquâici Ă©taient structurĂ©es de maniĂšre architecturale, par des droites notamment.
Son choix fut tout autre : commencer un dessin, sans but prĂ©cis, au plus prĂšs de la rĂ©alitĂ© matĂ©rielle et naturelle, mais sans modĂšle, Ă lâimage encore indĂ©finie du monde qui vient, peut-ĂȘtre.
Le dessin sâattarde longuement sur les sinuositĂ©s des feuilles, dessinĂ©es une par une, comme le faisaient les artistes romantiques au tout dĂ©but du 19e, Ă la diffĂ©rence des classiques ; comme Novalis concevait ses Fragments, dans un dĂ©veloppement organique. Ici, pas dâorganisation conceptuelle prĂ©alable, aucun cadre de rĂ©fĂ©rence, le geste part de la main et sâinscrit dans le temps. Câest une Ćuvre modale, qui se dĂ©veloppe en revenant sans cesse sur elle-mĂȘme, un peu comme « OlĂ© » de Coltrane. Le dessin partage encore ceci de commun avec un certain art amĂ©ricain :
le « all-over ». Aucun endroit de la composition nâest privilĂ©giĂ© ou diffĂ©renciĂ© dâun autre, tout est Ă©gal ; dâailleurs il nây a pas de composition, mais une prolifĂ©ration du vivant au rythme lent de la croissance vĂ©gĂ©tale, combinĂ© avec les pulsations de la main au travail.
Alors que la plupart dâentre nous recourait encore plus quâauparavant aux interfaces numĂ©riques,
aux Ă©crans lumineux, Ă la connexion instantanĂ©e de la fibre optique, Camille Bruat prĂ©fĂ©ra « lâĂ©loge de lâombre ».
Elle entama une trĂšs longue sĂ©quence de gestes rĂ©pĂ©titifs, comparables Ă ceux du jeune compagnon dâune confrĂ©rie qui fabrique son chef-dâoeuvre en secret.
Alors que la logique du stop and go sâinstallait pour la majoritĂ©, lâartiste, elle, sâinscrivait dans la progression lente et continue du travail manuel et matĂ©riel. Alors que les Ă©crans lumineux dĂ©localisaient nos intĂ©rieurs, le travail de dessin de Camille affirmait la prĂ©sence Ă soi, ici et maintenant.
Alors que les logiciels de visio rĂ©duisaient nos corps Ă des visages Ă©clairĂ©s en basse dĂ©finition et Ă distance, les feuilles du buisson, noires, moirĂ©es, luisantes, lisses, Ă©paisses, apparaissaient dans le dessin de lâartiste et rĂ©vĂ©laient en nĂ©gatif des anfractuositĂ©s.
Souvent nous subissons ce qui survient et les médias se font les mégaphones des impatiences, des impuissances, voire des incompétences érigées en causes.
Les artistes, elles, eux, en font quelque chose.
Dans ce buisson-monde, des formes, mi-végétales mi-charnelles, dessinent en creux des contre-formes obscures. Des fragments de corps se laissent supposer, pas vraiment deviner, encore moins voir.
Mais surtout sâaffirme la surface du papier, recouverte par le graphite et les autres pigments.
Câest lâendroit dâune modulation Ă lâorigine de lâoeuvre, entre ce qui la constitue et ce quâelle montre. Ici, les deux se rejoignent dans une captation gracieuse de la substance du temps.
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Léna Peyrard, 2019
Commissaire Indépendante
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City, La Carrosserie vol.2 : Camille Bruat
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CITY. vol 2
Pour son second projet curatorial dans lâespace public, La Carrosserie invite lâartiste Camille Bruat Ă imaginer une forme Ă©phĂ©mĂšre de sa vision de la ville. ImprĂ©gnĂ©es dâune forte influence architecturale, les sculptures-installations de Camille Bruat explorent les questions de dĂ©ambulations et de perceptions sensorielles de notre quotidien mises en scĂšne dans une spatialitĂ© Ă©tirĂ©e, dĂ©ployĂ©, ciselĂ©e. Le 1er dĂ©cembre 2019, La Carrosserie installe son dispositif dâexposition mobile dans le 8e arrondissement de Paris. OccupĂ© par Camille Bruat, lâintĂ©rieur dâun vĂ©hicule se transforme alors en vĂ©ritable laboratoire dâexpĂ©rimentations formelles oĂč lâartiste esquisse les flux urbains qui lâentourent Ă travers une sculpture Ă la fois mĂ©canique et organique.
48°51â17.7»N 2°20â47.2»E.
La ville. Je regarde par la fenĂȘtre et câest toi que je vois. Si grise, si impĂ©tueuse, parfois triste, toujours grandiose. Par moment pourtant tes traits semblent sâestomper. Quand la nuit vient tâĂ©teindre, tes rues se lisent dans le sillon de mes pas. Toi- mĂȘme, lâhĂ©roĂŻne aux multiples facettes, tu tâĂ©tires et te tords. Et toi tu mâembrasse de tes bras immenses, tu mâaspires, je suffoque, tu me broies. Mâoffrant ton coeur vrombissant, tes poumons boisĂ©s, ton sang giclant dans tes artĂšres, et ton ventre de fer dans lequel tes boyaux tintent Ă grands fracas.
48°52â36.7»N 2°19â31.1»E.
Ce fracas si familier, les pas pressĂ©s, lâattente, le souffle du dĂ©part. La Gare Saint Lazare. Gigantesque ventre de mĂ©tal, boulonnĂ©, rivĂ© de bois, de verre et de fonte. Comme un moteur mĂ©canique aspirant chaque jour des milliers dâusagers dĂ©shumanisĂ©s. Lorsquâon sâaventure dans le ventre gargantuesque, les entrailles souterraines apparaissent alors. Suintantes et criardes dans le tumulte de la vie infernale oĂč sâengouffre le meÌtro parisien Ă travers lâĂąme de la ville. A la surface, les rues et avenues filent Ă toute allure. Conducteurs et passagers semblent hors du monde, derriĂšre les vitres teintĂ©es, Ă la seule poursuite dâun temps quâils nâont plus. Et tout autour, les flashs, le clinquant, le nylon et la soie. Des statues endormies sur lesquelles coulent le regard des passants.
48°52â30.2»N 2°19â48.7»E.
Le quartier Saint Lazare se dĂ©compose sous nos yeux en strates poreuses et des connexions se tissent dans une spatialitĂ© Ă©clatĂ©e. Lâinstallation de Camille Bruat est ainsi. Telle une cartographe, lâartiste dĂ©plie une oeuvre labyrinthique dans lâespace de la voiture, afin de construire en relief un rĂ©cit intime de son quartier, ses flux, ses interstices. La sculpture faite de PVC et de tubes en cuivre recyclĂ©s adopte lâesthĂ©tique brute des systĂšmes de canalisations et Ă©voque les rĂ©seaux souterrains qui dĂ©ferlent dans les profondeurs de la ville. A ce tissu organique, vient sâentrelacer la vision plane des lignes que dessine lâasphalte oĂč courent les voitures dans les avenues. Sensiblement, la sculpture se dĂ©voile. Elle sâĂ©lĂšve devant lâoeil aguerri, dĂ©ployĂ©e dans de multiples trajectoires au sein de la voiture, devenant Ă la fois le moteur et le coeur du quartier Saint-Lazare. Et ce mĂȘme oeil sâaccroche aux vidĂ©os qui viennent conclure lâinstallation, rĂ©sultats des dĂ©placements de passants entre les grands magasins. Une balade dans les rues jouxtant la gare oĂč le paysage est altĂ©rĂ©, comme prisonnier de lâimage elle-mĂȘme, dĂ©sertĂ© de toute prĂ©sence humaine. DĂšs lors, lâinstallation de Camille Bruat est une invitation Ă regarder autrement, Ă dĂ©composer pour mieux reconstruire. Et brusquement ĂȘtre englouti par les tentacules de la ville, se perdre dans sa mĂ©canique poĂ©tique.